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texte de lecture "Un souterrain d'enfer" (auteur : Philippe Tassel - illustrations : Martine Belot)

 
 Chapitre 10

Elles avaient à peine parcouru une dizaine de mètres qu'elles entendirent des aboiements. Cléopâtre, totalement remise, les poursuivait. Elle les rattrapa facilement. Les filles qui roulaient côte à côte s'écartèrent de manière à lui ménager une place entre elles deux.
- La bande est au complet, cria Chloé. Ils vont voir ce qu'ils vont voir !
Elles ralentirent en débouchant dans le chemin. Elles sélectionnèrent une vitesse moins rapide. Contrairement à leurs habitudes, elles ne respectèrent pas le silence du Boismalin. Cette course folle ravissait la chienne qui jappait de plaisir.
Elles sautèrent des bicyclettes en marche. Celles-ci échouèrent dans les brindilles et l'humus . Bérangère pénétra la première dans le tunnel de ronces, Chloé la suivit. Cléopâtre prenait du retard.
Chloé se préparait à sauter sur la dalle qui déclenchait le mécanisme d'ouverture quand Bérangère l'arrêta :
- Vérifions que nous avons emporté le nécessaire. On ne sait jamais, j'ai préparé le matériel si vite !...
Le sac de Chloé ne contenait que la nourriture qui avait servi d'alibi à leur absence au repas familial. Quatre mains fouillèrent donc celui de Bérangère.
- Corde, canif, chaussettes ?...
- Pourquoi tu as pris des chaussettes ? Nous ne partons pas aux sports d'hiver !
- Deux lampes... J'ai pris des chaussettes parce que... parce que... je ne sais pas. L'affolement sans doute.
- Une bougie, des allumettes... Ha, je n'ai pas oublié le plus important, continua Chloé en fouillant dans sa poche.
Elle sortit de sa poche la feuille de Madame Mérialler.
Cléopâtre, assise, inclinait la tête d'un côté puis de l'autre. Elle voulait connaître la suite du jeu. Quand elle vit Chloé sautiller sur la dalle, elle se redressa, les oreilles droites, la queue battante. Elle aboya. Bérangère s'approcha d'elle :
- Ne t'inquiète pas, ma belle. Tout ira bien. Du moins il faut le souhaiter, la rassura-t-elle. Si tu ne veux pas nous accompagner, reste ici. Tu pourras prévenir Julien et Sophie s'il nous arrivait des ennuis.
La marche gravée s'ouvrit doucement. La chienne recula. Elle aboya de plus belle. Les filles s'engagèrent dans le puits. Cléopâtre s'approcha du trou. Elle grognait.
- Tu ne sautes pas ? lui demanda Chloé. Attends !
Elle remonta, se pencha. Elle installa l'animal sur ses épaules à la façon d'un berger qui porte un agneau.
- Tu es lourde, toi ! s'exclama-t-elle.
Elle s'engagea de nouveau sur les barreaux de fer. Elle sentait la chienne tendue. Elle lui parlait doucement pendant la descente qu'elle effectuait difficilement. Une troisième main lui aurait donné plus d'aisance car elle devait s'accrocher tout en maintenant l'animal.
Arrivée en bas de l'échelle, elle déposa la chienne par terre. Cléopâtre avança résolument puis s'arrêta net devant l’oubliette qui s’était ouverte lors de leur précédente expédition.
- Regarde, on dirait que quelqu’un est passé par là ! fit observer Bérangère.
- C'est sûrement l'œuvre de Lucien, commenta Chloé en balayant le trou avec le faisceau lumineux de la lampe. Pas bête, il a fait un pont.
En effet, une solide planche de chêne traversait le sol sur toute la longueur du trou.
- Il faut quand même faire super attention en traversant !
Elles parlaient à voix basse. Il fallut beaucoup de patience et de paroles réconfortantes pour décider Cléopâtre à traverser le passage dangereux. D'abord elle refusa, ensuite, trop confiante, elle voulut renifler dans l’oubliette. Peut-être se souvenait-elle de son mulot ! Les filles et la chienne se retrouvèrent cependant de l'autre côté de l’endroit fatidique.
- Il reste encore la herse à franchir !
- Toi, tu restes au pied, ordonna Chloé à Cléo. Pas question que tu déclenches encore une machine infernale.
La chienne eut un regard éploré. Elle poussa une plainte. Elle comprenait. La petite troupe avançait très précautionneusement. Les lampes exploraient les parois et la voûte. Les pieds tapotaient le sol pour en tester la solidité. Alors seulement les filles s'enhardissaient d'une cinquantaine de centimètres.
- A ce rythme-là, les bandits ont cent fois le temps de... commença Chloé, maussade.
- Tais-toi ! la coupa Bérangère. On ne peut pas faire autrement. Si on se retrouve prisonnières de la herse, on perd toute chance de délivrer Lucien.
Les murs se couvraient progressivement de mousse. Au sol, la terre battue remplaçait les pierres. L'humidité transpirait de partout. La boue collait aux chaussures de sports des filles. Quelquefois, Cléo secouait une patte trop boueuse à son goût. Au fur et à mesure de leur avance, le souterrain devenait de plus en plus abîmé. Les filles découvrirent une pierre tombée de la voûte. Elles levèrent les yeux. Au passage, elles reçurent une poignée de terre du plafond. Bérangère s'épousseta d'un geste agacé.
- Pourvu que cela ne nous tombe pas dessus, souhaita Chloé.
- Ne parle pas de malheur !
Elles reprirent leur lente progression.
- Un escalier ! Un tournant ! s'exclamèrent-elles soudain. Elles avaient parlé trop fort.
- Qui c’est ? interpella quelqu'un.
Le sang des filles se figea. Qui appelait ? Un malfaiteur ? Celui qui voulait tuer Lucien, par exemple ?

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