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texte de lecture "Un souterrain d'enfer" (auteur : Philippe Tassel - illustrations : Martine Belot)

 
 Chapitre 11

Chloé éclaira rapidement une dernière fois l’escalier qu’elles venaient de découvrir. Puis toutes deux, elles éteignirent les torches. Du pied, elles tâtaient les marches avant d’en descendre une. Elles prenaient soin de ne pas faire de bruit. Cléopâtre renifla. L'air humide lui provoqua un éternuement.
- C’est qui ? martela une voix féminine.
Dans le noir, Chloé et Bérangère se donnèrent la main pour se rassurer. Tout à coup, elles se heurtèrent à un mur gluant. Elles eurent un mouvement de recul qui les fit tomber assises sur les marches.
Sans lumière, elles n’avaient pas vu qu’à cet endroit le souterrain faisait un coude. Elles devaient tourner à gauche pour continuer.
- Il y a quelqu'un ? reprit la voix.
Les filles se rapprochaient certainement de la personne qui appelait car le ton devenait plus clair. Il dénotait de la jeunesse et de l'inquiétude. Cléo renifla encore. Elle jappa gaiement. Désorientée par sa chute, Chloé hésitait à se relever.
- Au secours ! appela la voix. Au secours ! Aidez-moi !
La sincérité de l'appel dissipa les craintes des filles. Cela ne pouvait pas être une personne malveillante. Chloé ralluma sa lampe la première. Bérangère l'imita. Après quelques secondes de recherche, les faisceaux lumineux s’arrêtèrent sur le visage perdu d'une enfant prisonnière dans une cage : la « herse circulaire » !
- On arrive !
Les filles parcoururent le plus vite possible les quelques mètres qui les séparaient du piège.
- Christine ! Mais qu’est-ce que tu fais ici ? La prisonnière, à peine plus âgée que Bérangère et Chloé, habitait le village de Lorme. Les filles jouaient avec elle quand elle avait l'autorisation de sortir. En effet, c’était l’aînée d'une famille nombreuse. Alors, elle aidait sa mère dans les tâches ménagères et s'occupait beaucoup de ses frères et sœurs. Du coup, elle avait peu de temps pour s'amuser.
- Chloé ! Bérangère !
Elles s'embrassèrent entre les barreaux en fer.
- Qu’est-ce que tu fais ici ? interrogea Bérangère.
- Tu es venue avec Lucien ? demanda Chloé.
- Sortez-moi d'ici ! Je veux sortir !
- OK, on parlera plus tard !
Chloé examina l'endroit. Une cage, pendue au plafond par une chaîne, barrait le tunnel dans toute sa largeur. Elle était plutôt rectangulaire que ronde comme la décrivait Monillon.
Pour aller plus loin, il faudrait qu’elles passent une première fois la grille pour entrer dans la herse. Elles se retrouveraient alors aux côtés de Christine. Puis, toutes les trois devraient passer la grille une seconde fois pour sortir de cette cage maudite . Alors seulement, elles seraient de l’autre côté et pourraient poursuivre l’exploration du souterrain.
Chloé examina les murs. Des mousses et des moisissures se développaient à foison à cause de l'humidité. Sur le sol, des éclats de granit et des monticules de terre, certainement tombés du plafond, prouvaient que la voûte n’était pas solide à cet endroit et qu’il y avait déjà eu des éboulements.
A trois, elles essayèrent de relever la grille. Leurs tentatives ne réussirent qu'à leur meurtrir les mains.
- Avec une pierre et une planche, on pourrait faire levier, proposa Chloé.
- La planche ne résistera pas, objecta Bérangère.
- Je ne veux pas rester là !
Christine était à bout.
- Décidément ! Les malheurs n’arrêtent pas depuis qu’on a ouvert ce souterrain, se plaignit amèrement Bérangère. Ha ! Si on avait cru le mété, on n'en serait pas là ! Dire qu’on n'a même pas cherché le secret du grand père de l'Augustin !
- Bouge-toi ! la rudoya Chloé. Tu crois que la solution va venir toute seule ?
Puis elle examina le sol.
- Peut-être qu'en creusant la terre en-dessous, on pourrait faire un passage ? proposa-t-elle au hasard.
- Excellente idée ! se réjouit Christine qui s'étonnait de ne pas y avoir pensé plus tôt.
De l'intérieur, elle gratta la terre grasse. Les deux autres l'imitèrent à l'extérieur.
- Sans outil, cela va durer une éternité !
- Je me suis déjà cassé un ongle.
Chloé qui venait de se meurtrir un doigt contre une pierre, se leva. Tandis qu'elle se nettoyait la main avec un mouchoir, son regard se posa sur le mur. Il lui sembla apercevoir une partie gravée. Elle s'en approcha, gratta la mousse et découvrit des traits en creux. Elle les essuya.
- Ho ! Regardez ! s'exclama-t-elle.
Bérangère se releva.
- Trois feuilles, commenta-t-elle, d'orme sans doute.
Chloé sortit de sa poche la traduction de la bibliothécaire. Elle relut la fin à haute voix :
- « Les trois feuilles d'orme protègent et libèrent. » Si nous appuyons dessus, la grille se relèvera peut-être, imagina-t-elle.
- Tentons le coup. Allez, on se tient prêtes à passer de l'autre côté, proposa Bérangère. Je ne fais pas confiance à la solidité du tunnel.
Christine, sceptique, ironisa :
- Vous vous croyez dans un jeu de piste ?
Bérangère se tourna vers elle. Elle prit sa mine la plus convaincante :
- Ne critique pas si vite. On t'expliquera...
- De toutes manières au point où on en est... si cela peut me rendre la liberté, se résigna Christine.
La fille brune se mit à quatre pattes. Elle attira Cléopâtre contre elle, face à la herse. Christine fit de même, tournée vers la suite du tunnel. Chloé compta.
- Un, deux... trois !
Elle appuya énergiquement sur les feuilles d'orme gravées. Rien ne se produisit. Elle poussa un juron et recommença immédiatement en appuyant comme une forcenée, cette fois. Un craquement déchira l'air. La herse trembla. On entendit comme un cran qui sautait. La herse s'éleva à une allure désespérément lente.
Christine s'aplatit. Dès que la cage libéra une trentaine de centimètres de hauteur, elle y rampa comme un serpent. Sauvée ! Elle était sauvée ! Comme elle était déjà dans la cage, elle n'avait eu à franchir qu'un côté de la grille. Des gravats rebondirent sur les barreaux de fer. La voûte s'effritait !
Bérangère se précipita sous la cage. Elle se trouva bientôt à l'intérieur. Ses pieds dérapaient, les aspérités de la terre griffaient ses mains. La distance qui la séparait de la Lormesienne lui paraissait interminable. Elle devait encore passer la seconde grille pour être libre.
Christine encourageait :
- Allez ! Du nerf les filles !
Partie la dernière, Chloé éprouvait une certaine angoisse. Elle recevait de la poussière. Elle ne remarqua pas l'arrivée de Bérangère et de Cléo en lieu sûr. Des gravats tombés du plafond la gênaient pour avancer.
- Zut ! La grille s'arrête ! s'écria Bérangère.
En effet la herse venait de s'immobiliser. Chloé glissait, dérapait. Le passage de ses camarades avait augmenté la couche de boue. Chloé se démenait comme une folle. Maintenant, elle arrivait juste devant le deuxième pan de la grille. Tout à coup, la catastrophe advint. Il y eut le bruit angoissant de quelque chose qui se casse. Puis des gravats tombèrent en pluie ! Certains rebondirent sur la tête de Chloé, au risque de l’assommer. La fille blonde sursautait en les recevant.
Quelque part une chaîne se tendait à l'extrême avec des sons métalliques inquiétants, comme si un esprit malfaisant s’amusait à taper sur des casseroles.
- La herse ! La herse va retomber ! Le plafond s'écroule, cria Bérangère. Chloé ! Tu vas rester bloquée ! Grouille, bon sang, grouille !

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