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texte de lecture "Un souterrain d'enfer" (auteur : Philippe Tassel - illustrations : Martine Belot)

 
 Chapitre 12

La fille brune se précipita vers sa meilleure amie. A deux mains, elle lui saisit un poignet. Puis d'une force dont elle ne se savait pas capable, elle tira, elle tira, sans réfléchir.
Un grondement d'orage résonna. L'écho le multiplia. Un nuage de poussière se répandit dans le souterrain, recouvrant tout d’un épais brouillard opaque. La herse retombait. Elle emportait la voûte dans sa chute. Un éboulement se produisit, assourdissant comme une avalanche de pierres.
La poussière se dissipa difficilement. On ne voyait pas à un mètre devant soi.
- Bérangère ! Chloé ! appela Christine, inquiète.
- Je suis là ! cria la fille brune. Chloé est avec moi.
Sur ces mots, elle se pencha sur sa copine dont elle tenait toujours le poignet.
- Tu vas bien ? Dis, tu vas bien ?
- Tu m'as sauvé la vie, articula Chloé. Cléo est passée ? Cléo ! Petite Cléo !
La chienne accourut. Pour seule réponse, elle lécha avidement ses maîtresses.
De l'air, venu d’on ne sait où, rendit l'atmosphère respirable et transparente. Les deux camarades se trouvaient à plus de deux mètres de la grille. Ne pensant qu’au danger, Bérangère n'avait pas mesuré la puissance de son geste. Elle ne s'était arrêtée que parce qu'elle était tombée sur les fesses en reculant.
- Comment sortir ? s'inquiéta Christine. Il y a peut-être une autre sortie.
- Il y en a deux, précisa Bérangère.
- Vous connaissez ce souterrain ? s'étonna la Lormesienne.
- Oui et non... Au fait, c'est Lucien qui t'a entraînée dans cette galère ?
- Pour cela oui ! se lamenta son interlocutrice. Ce matin, il m'a proposé de jouer aux explorateurs. J'ai dit oui. Mais je n'avais pas très envie de descendre dans le trou. Il m'a traitée de peureuse. Il m'a dit que c’était une vieille cave. Il m'a emmenée en enfer plutôt !
- Ensuite ?
- La cloche à fromage m'a piégée comme une souris.
Christine voulait parler de la herse. Lucien m'a dit qu'il partait explorer la suite du souterrain. Il pensait découvrir une autre sortie. Je suis restée seule dans le noir. Nous n'avions qu'une lampe. Depuis je ne l'ai pas revu. Il a dû lui arriver malheur.
- Non, il est prisonnier, résuma Chloé qui avait repris tous ses esprits. Il faut faire vite. On ne peut pas t'expliquer maintenant. Allez, en route !
Cléopâtre tremblait. Décidément, elle n'appréciait pas ce souterrain.
La troupe démarra et avança plus rapidement. Bérangère se préoccupa de Chloé.
- Tu ne souffres pas trop ?
- Non, je serai juste couverte de bleus demain. Je ne suis pas sûre que mes parents me reconnaissent, plaisanta-t-elle.
L'exploration devenait monotone. Elles savaient que probablement plusieurs dizaines de mètres les séparaient d'un croisement. La fille blonde en profita pour compléter son herbier avec les rares végétaux qu’elles rencontraient.
- J'ai faim, se plaignit-elle.
Sans cesser d'avancer, elle fouilla son sac et elle en partagea le contenu avec ses compagnes. En silence, elles croquèrent les sandwiches. Cléopâtre réclama sa part.
Le sol devenait sec et ferme.
Après plusieurs minutes, le tunnel s'élargissait en une grande pièce. - Durant les troubles, supposa Bérangère, les gens devaient vivre ici. Regardez sur les parois, on dirait des crochets à lampe.
- On n'a pas le temps de visiter, protesta Christine.
- Ho, souffla Chloé, la tête en l'air. On se croirait dans une église.
En effet, une voûte haute aux courbes continues les surplombait majestueusement .
- Cela résonne drôlement ici, remarqua Bérangère.
- Quel vacarme il devait y avoir quand les gens s'y réfugiaient, imagina Chloé. Pense aux cris des enfants, aux caquetages des poules.
- Hé ! Les touristes ! On continue ! ordonna la Lormesienne. On prend à droite ou à gauche ?
La pièce où elles étaient se trouvait à la croisée de trois tunnels : celui d’où elles venaient et deux autres. D’après le texte de Monillon, l’un menait à la « maison du vigneron » et l’autre donnait dans une « maison proche du Moulin ».
- Essayons à droite, proposa Chloé.
- On verra bien, dit Bérangère qui ne croyait pas vraiment au sens de l'orientation de son amie.
Le couloir menait à un escalier raide et se terminait rapidement en cul-de-sac. Chloé monta les marches.
Elle baissa la tête car la voûte était de plus en plus basse, au fond. La fille blonde chercha des feuilles d'orme gravées.
- Regardez ! Les voilà, se réjouit-elle.
Elle appuya dessus, tapa, martela. Rien ne se produisit.
- Il m'a semblé entendre un déclic pourtant, lui affirma Bérangère.
Elles cherchèrent à aider la pierre du fond à se déplacer. Sans résultat.
- Tu n'as pas l'impression qu'elle est tiède ? demanda Chloé.
- Ecoute, on ne va pas s’éterniser devant une issue bloquée, raisonna Bérangère. Lucien n'a pas pu passer par là. D'ailleurs, je suis sûre qu'il a emprunté l'autre tunnel.
Christine approuva. Les trois filles tournèrent les talons, rebroussèrent la grande salle et s'engagèrent dans le couloir de gauche.
- Qui a une montre ? demanda la fille blonde.
- Il est treize heures trente, annonça Christine.
- Aucune importance. On ne sait pas à quelle heure les malfaiteurs ont découvert Lucien, coupa la fille brune.
- Pas de panique, la rassura Chloé. Ils n'ont pas encore terminé de descendre les fûts. Quant à Lucien, je pense qu'ils se contenteront de l'abandonner dans le souterrain.
- J'espère que tu as raison, marmonna lugubrement Bérangère. Je préfère qu’on se dépêche, ajouta-t-elle.
- Un vrai marathon, dit Christine.
Habituée à la marche, elle souffrait moins que ses camarades. La petite troupe avait repris sa progression depuis un bon quart d'heure quand la Lormesienne s'écria :
- Encore un cul-de-sac. On est coincées !
- On devrait voir des fûts, remarqua Bérangère.
- Et un garçon aussi, compléta Chloé.
Le tunnel s'arrêtait là. Il fallait se rendre à l'évidence.
- « Les trois feuilles d'orme protègent et libèrent», récita Christine. J'ai bien appris ma leçon.
- Oui, mais où elles sont ces fameuses feuilles qui nous ont déjà libérées de la cage ? s’interrogea Bérangère.
Elles explorèrent les parois, grattèrent, frottèrent, au cas où la poussière les aurait recouvertes. En vain.
- Par terre ! s'exclama Christine.
Elle montrait du doigt une pierre du dallage. Sans attendre, elle la tapa du pied. Un pan du mur pivota dans un crissement digne d’un film d’épouvante.
- Lucien a dû ouvrir en marchant par hasard sur les trois feuilles d'orme, déduisit Bérangère.
Les trois filles et Cléopâtre se faufilèrent dans le passage.
A peine avaient-elles débouché de l'autre côté du mur que celui-ci reprenait sa place normale sans prévenir et toujours avec le même bruit horrible.
- Mince alors ! Cette issue secrète se referme automatiquement, commenta Chloé.

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