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J'espère qu'il n'y a personne là-haut... souhaita Bérangère.
- Si des complices étaient là, on aurait déjà de leurs
nouvelles, la rassura la fille blonde.
- A moins qu'ils ne nous tendent un piège, rectifia Lucien.
Il jeta un regard soutenu à Christine qui protesta :
- Non, je ne reprendrai pas le revolver... si tu y tiens... je
t'en prie...
D'un geste, elle l'invitait à ramasser l'arme lui-même.
Apparemment, Lucien ne souhaitait pas non plus s'en
saisir.
Les enfants attendirent un instant afin de s'assurer qu'aucun
bruit ne venait du rez-de-chaussée. En silence, ils
s'engagèrent dans le couloir. A l'autre bout, on distinguait
un escalier faiblement éclairé. Lucien ouvrait la marche.
Il progressait lentement. Avec sa lampe, il explorait
minutieusement les parois et le sol du corridor. Ses
compagnes sentaient son appréhension de se retrouver
nez à nez avec un autre malfaiteur.
Chloé qui le suivait lui souffla, à peine rassurée elle
aussi maintenant :
- Tu vois bien qu'il n'y a rien. Avance plus vite !
Le garçon accéléra sensiblement. Il monta les marches
une à une. Il éclairait toujours devant lui alors que la
lumière du jour rendait maintenant inutile sa torche
électrique. De temps en temps, Chloé poussait Lucien
dans le dos, impatiente.
- Allez, accélère quoi !
Quand sa tête atteignit le niveau du sol, le garçon
poussa un cri d'effroi. Il eut un mouvement de recul,
perdit l'équilibre. Sa chute fut amortie par Chloé qui
tomba. Elle aussi cria, mais parce qu’elle avait mal.
Pendant un instant, ce fut la confusion. La lampe roula
sous les pieds de Bérangère qui s'agrippa à Christine.
Lucien se rétablit. Chloé peinait à se relever. Les deux
autres filles l'aidèrent en la soutenant sous les bras.
- Que se passe-t-il ? murmura Christine à l'adresse de
Lucien.
- J'ai... j'ai vu une bête, bafouilla celui-ci.
- C'est pour ça que tu nous bouscules ? Tu as fait mal à
Chloé, râla Bérangère tandis qu'elles atteignaient enfin
le sol de la grange.
De fait, un gros oiseau évoluait sous la toiture. En voyant
ses larges ailes, son vol lent et majestueux, Bérangère
et Chloé reconnurent Chevalier Noir sans hésitation.
Celui-ci se posa sur une poutre et les observa.
Chloé exprima sa mauvaise humeur :
- Tu parles d'une histoire : une malheureuse buse mangeuse
de souris. Tu te prends pour une souris, Lucien,
pour avoir peur ?
- Je connaissais quelqu'un qui se prenait pour Jules
César, surenchérit Bérangère, mais lui au moins, il se
faisait soigner.
Les deux filles valides installèrent la souffrante sur un lit
de foin. Les regards de Chloé et de Bérangère se
croisèrent plusieurs fois. Ils se demandaient :
- Pourquoi Chevalier Noir est-il venu ?
- Le mété ne serait-il pas dans les parages ? Il doit nous
trouver nulles de ne pas lui avoir encore raconté notre
visite à la bibliothèque d'Argenton.
- Le vieil homme a-t-il trouvé un élément nouveau ?
- Qu'est-ce qu’on va lui dire puisqu’on n'a pas trouvé le
remède à ses crises de paralysie ?
Christine interrompit leur conversation silencieuse :
- Ta cheville enfle à vue d'œil, ma pauvre Chloé. Tu ne
vas pas pouvoir te déplacer. Il faut prévenir tes parents
pour qu'ils t'emmènent. Même à trois, on ne pourra pas
te porter.
Bérangère s'était agenouillée au chevet de son amie.
Elle examinait à son tour le pied malade.
- Quand je pense aux dangers auxquels on vient
d’échapper : une oubliette, une cage, un éboulement,
sans compter la capture de bandits armés et il faut que
tu te foules la cheville à cause d'un gars qui a peur d'un
petit « zozieau » de rien du tout.
De son côté, Lucien se faisait le plus discret possible. Un
peu à l'écart, il se donnait une contenance en passant en
revue les derniers fûts restés là. Pour une fois ce fut
Christine qui vint à son secours en changeant de conversation.
- Tu ne sais pas si les saucissons attendaient de la
visite ? questionna-t-elle.
Lucien profita de l'occasion pour racheter sa couardise
passée. Il expliqua en parlant vite, avec beaucoup de
gestes :
- Si, si ! Je les ai entendu discuter. Le chef et le conducteur
de la camionnette doivent débarquer ici. Le prisonnier
qui avait une arme, disait que le patron voulait se
rendre compte de la situation par lui-même.
- Tu veux parler de ta capture ? précisa Chloé.
- Oui, continua le garçon, légèrement gêné. Ils ne savaient
pas ce qu'ils allaient faire de moi.
- Autrement dit, conclut Christine, on a intérêt à se tirer
d'ici le plus vite possible si on ne veut pas se retrouver
saucissonnés à notre tour !
- Et Chloé ? s'interrogea Lucien à voix haute. On ne
peut pas la laisser ici. On pourrait essayer de l’emmener,
non ?
Chloé lui fut reconnaissante de son attention. Elle
commença :
- Vous pourriez me cacher dans la paille...
Bérangère la coupa rapidement :
- Tu veux rire ! Pour qu'ils te trouvent parce qu'un brin de
paille t'aura chatouillé le nez et t’aura fait éternuer !
Soudain un bruit sec leur sauta aux oreilles. Sans se
retourner, Chloé commença :
- Arrête de toucher à tout Lucien. Tu nous...
Elle ne finit pas sa phrase.
- Haut les mains ! ordonna une voix d'homme.
- On ne bouge plus ! fit en écho une seconde voix.