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texte de lecture "Un souterrain d'enfer" (auteur : Philippe Tassel - illustrations : Martine Belot)

 
 Chapitre 15

- J'espère qu'il n'y a personne là-haut... souhaita Bérangère.
- Si des complices étaient là, on aurait déjà de leurs nouvelles, la rassura la fille blonde.
- A moins qu'ils ne nous tendent un piège, rectifia Lucien.
Il jeta un regard soutenu à Christine qui protesta :
- Non, je ne reprendrai pas le revolver... si tu y tiens... je t'en prie...
D'un geste, elle l'invitait à ramasser l'arme lui-même. Apparemment, Lucien ne souhaitait pas non plus s'en saisir.
Les enfants attendirent un instant afin de s'assurer qu'aucun bruit ne venait du rez-de-chaussée. En silence, ils s'engagèrent dans le couloir. A l'autre bout, on distinguait un escalier faiblement éclairé. Lucien ouvrait la marche. Il progressait lentement. Avec sa lampe, il explorait minutieusement les parois et le sol du corridor. Ses compagnes sentaient son appréhension de se retrouver nez à nez avec un autre malfaiteur.
Chloé qui le suivait lui souffla, à peine rassurée elle aussi maintenant :
- Tu vois bien qu'il n'y a rien. Avance plus vite !
Le garçon accéléra sensiblement. Il monta les marches une à une. Il éclairait toujours devant lui alors que la lumière du jour rendait maintenant inutile sa torche électrique. De temps en temps, Chloé poussait Lucien dans le dos, impatiente.
- Allez, accélère quoi !
Quand sa tête atteignit le niveau du sol, le garçon poussa un cri d'effroi. Il eut un mouvement de recul, perdit l'équilibre. Sa chute fut amortie par Chloé qui tomba. Elle aussi cria, mais parce qu’elle avait mal.
Pendant un instant, ce fut la confusion. La lampe roula sous les pieds de Bérangère qui s'agrippa à Christine.
Lucien se rétablit. Chloé peinait à se relever. Les deux autres filles l'aidèrent en la soutenant sous les bras.
- Que se passe-t-il ? murmura Christine à l'adresse de Lucien.
- J'ai... j'ai vu une bête, bafouilla celui-ci.
- C'est pour ça que tu nous bouscules ? Tu as fait mal à Chloé, râla Bérangère tandis qu'elles atteignaient enfin le sol de la grange.
De fait, un gros oiseau évoluait sous la toiture. En voyant ses larges ailes, son vol lent et majestueux, Bérangère et Chloé reconnurent Chevalier Noir sans hésitation. Celui-ci se posa sur une poutre et les observa.
Chloé exprima sa mauvaise humeur :
- Tu parles d'une histoire : une malheureuse buse mangeuse de souris. Tu te prends pour une souris, Lucien, pour avoir peur ?
- Je connaissais quelqu'un qui se prenait pour Jules César, surenchérit Bérangère, mais lui au moins, il se faisait soigner.
Les deux filles valides installèrent la souffrante sur un lit de foin. Les regards de Chloé et de Bérangère se croisèrent plusieurs fois. Ils se demandaient :
- Pourquoi Chevalier Noir est-il venu ?
- Le mété ne serait-il pas dans les parages ? Il doit nous trouver nulles de ne pas lui avoir encore raconté notre visite à la bibliothèque d'Argenton.
- Le vieil homme a-t-il trouvé un élément nouveau ?
- Qu'est-ce qu’on va lui dire puisqu’on n'a pas trouvé le remède à ses crises de paralysie ?
Christine interrompit leur conversation silencieuse :
- Ta cheville enfle à vue d'œil, ma pauvre Chloé. Tu ne vas pas pouvoir te déplacer. Il faut prévenir tes parents pour qu'ils t'emmènent. Même à trois, on ne pourra pas te porter.
Bérangère s'était agenouillée au chevet de son amie. Elle examinait à son tour le pied malade.
- Quand je pense aux dangers auxquels on vient d’échapper : une oubliette, une cage, un éboulement, sans compter la capture de bandits armés et il faut que tu te foules la cheville à cause d'un gars qui a peur d'un petit « zozieau » de rien du tout.
De son côté, Lucien se faisait le plus discret possible. Un peu à l'écart, il se donnait une contenance en passant en revue les derniers fûts restés là. Pour une fois ce fut Christine qui vint à son secours en changeant de conversation.
- Tu ne sais pas si les saucissons attendaient de la visite ? questionna-t-elle.
Lucien profita de l'occasion pour racheter sa couardise passée. Il expliqua en parlant vite, avec beaucoup de gestes :
- Si, si ! Je les ai entendu discuter. Le chef et le conducteur de la camionnette doivent débarquer ici. Le prisonnier qui avait une arme, disait que le patron voulait se rendre compte de la situation par lui-même.
- Tu veux parler de ta capture ? précisa Chloé.
- Oui, continua le garçon, légèrement gêné. Ils ne savaient pas ce qu'ils allaient faire de moi.
- Autrement dit, conclut Christine, on a intérêt à se tirer d'ici le plus vite possible si on ne veut pas se retrouver saucissonnés à notre tour !
- Et Chloé ? s'interrogea Lucien à voix haute. On ne peut pas la laisser ici. On pourrait essayer de l’emmener, non ?
Chloé lui fut reconnaissante de son attention. Elle commença :
- Vous pourriez me cacher dans la paille...
Bérangère la coupa rapidement :
- Tu veux rire ! Pour qu'ils te trouvent parce qu'un brin de paille t'aura chatouillé le nez et t’aura fait éternuer !
Soudain un bruit sec leur sauta aux oreilles. Sans se retourner, Chloé commença :
- Arrête de toucher à tout Lucien. Tu nous...
Elle ne finit pas sa phrase.
- Haut les mains ! ordonna une voix d'homme.
- On ne bouge plus ! fit en écho une seconde voix.

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