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texte de lecture "Un souterrain d'enfer" (auteur : Philippe Tassel - illustrations : Martine Belot)

 
 Chapitre 5

- Salut ! C'est sympa ici, dit calmement une voix de garçon qui fit sursauter les filles. On est dans un souterrain ?
Chloé ne pouvait pas voir l’inconnu qui parlait derrière elle, Bérangère encore moins.
- Tu peux m'aider à sortir ma copine de là ? dit précipitamment Chloé sans chercher à savoir qui avait parlé ni comment il les avait rejointes.
- Quelle copine ? demanda tranquillement le nouveau venu dont les yeux ne s'étaient pas encore habitués à la pénombre.
- Celle que je tiens et qui va tomber, pressa la fille blonde.
Le garçon dépassa Chloé, ramassa la lampe tombée durant la glissade. Il éclaira la scène, une main dans la poche.
- Ha oui, tiens ! Vous êtes deux. Je n'avais vu que toi, précisa le garçon en s'adressant à Chloé.
- C'est bientôt fini les politesses, s'énerva Bérangère. Tu ne peux pas nous aider par hasard ?
- Ben, pourquoi tu ne te relèves pas seule ? interrogea innocemment le garçon immobile.
- Parce que je tiens une chienne à bout de bras depuis trois heures et que j'ai envie d'aller au cinéma ! exagéra la fille brune, hors d'elle.
- Trois heures ? Une chienne ? Mais où est-elle ?
- Là, dans le trou ! Tu te dépêches ou je te fais un procès pour non-assistance à personne en danger, s'égosilla Chloé à son tour.
- OK, j'ai compris. Il y a urgence ! Je suis là, dit posément l'inactif.
Il posa la lampe à quelques centimètres de l'ouverture. Il s'allongea sur les dalles humides. Il plongea ses bras dans le trou et saisit la corde.
- A trois, on tire, prévint-il.
Il compta :
- Un... deux... trois... han !
Quatre tractions plus tard, les yeux apeurés de Cléopâtre luisaient devant eux. Bientôt le garçon put prendre la corde à la hauteur du cou de l'animal. Chloé s'agenouilla et l'aida à sortir la chienne. Ils l'allongèrent. Chloé défit la laisse. Elle félicita Bérangère :
- Heureusement que tu n'as pas fait un nœud coulant, sinon elle se serait étranglée !
- Catastrophe ! s'écria le garçon.
- Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiétèrent les filles.
- J'ai sali mon survêt tout neuf ! se lamenta leur sauveur.
Bérangère et Chloé éclatèrent de rire. Le garçon haussa les épaules. Il se pencha au-dessus du trou.
- Ho la la, c'est profond ce truc ! s'extasia-t-il.
Sa remarque réussit à faire diversion. Les filles s'approchèrent.
Un long conduit s'enfonçait dans le sol. On ne voyait pas le fond. Pourtant, très loin, de l’eau renvoyait faiblement les rayons de la lampe torche. Celui qui tombait là-dedans se fracassait le crâne contre les parois avant de se noyer.
- Astucieux ce piège, pensa Chloé, la gorge serrée.
- Il est super votre souterrain, commenta le garçon, dangereux mais super.
- Tu t'appelles comment ? l'interrogea Bérangère.
- Lucien Chavignolle.
- Je ne t'ai jamais vu ici, intervint Chloé.
- Normal, c'est la première fois que je passe mes vacances chez mon grand-père Alfred.
- Alfred ? celui qui habite sur la route de Maillet ?
- Oui, répondit Lucien.
- Hé bien merci Lulu ! dit Bérangère. Tu m’as sauvé la vie.
Elle s'approcha de lui. Elle l'embrassa sur les deux joues.
- Comme on est ingrates, on ne t'a pas remercié, surenchérit Chloé qui l'embrassa à son tour.
Lucien ne sembla pas apprécier le geste des filles. Du revers de la main, il s'essuya les joues :
- De rien. Je me promenais dans le bois. J'ai vu votre percée dans les ronces. Je me suis demandé ce que c'était. Alors je l'ai suivie. Là, j'ai découvert le trou, j'ai entendu vos cris. Ma curiosité m'a poussé jusqu'ici... Vraiment vous êtes fortes d'avoir découvert un souterrain. Il va jusqu'où ? Vous avez la carte ? Il y a un trésor ?
Embarrassées, les filles ne savaient que répondre. Elles ne pouvaient révéler le secret du mété, même si ce Lucien leur était sympathique.
- Non... non... hésita Chloé. Ce n'est qu'une vieille cave. Ce n’est pas la première fois qu’on vient. Jusqu'à présent on n'a pas eu d’ennui...
Bérangère vint à son secours :
- Il y a certainement eu un effondrement de terrain.
D'ailleurs, c'est parce qu’on s’ennuyait qu’on est venues. Il n'y a rien de fantastique, ici, tu sais, le souterrain se termine très vite.
Chloé cajolait Cléopâtre toujours allongée. Elle changea de conversation :
- Il n'y a pas de trésor... Je m'inquiète pour Cléo. Il faudrait la remonter. Ici nous ne pouvons pas voir si elle est blessée.
A la file indienne, ils escaladèrent l'échelle. Chloé portait la chienne sur les épaules. Elle progressait doucement. Arrivée la première, Bérangère l'aida à poser son fardeau. Si joyeuse, si tonique tout à l'heure, Cléopâtre ne se remettait pas du cauchemar qu'elle venait de vivre.
Lucien monta sur la pierre qui avait déclenché le mécanisme d'ouverture. Il testa sa résistance par de petits soubresauts. La pierre couina et reprit sa position normale. Lucien eut à peine une moue d'étonnement. Quant aux filles, elles venaient de ressentir une émotion si forte qu'elles accordèrent peu d'intérêt au phénomène. C’est à peine si elles frémirent quand la marche gravée glissa lourdement et reboucha lentement le puits ovale d’où ils venaient de remonter.
- Bon sang ! Si j'avais fait cela pendant que vous étiez en bas... imagina Lucien.
Les filles se regardèrent. Cette fois, un frisson d'horreur leur parcourut le dos : dans un cas pareil, elles auraient été prisonnières sous terre, enterrées vivantes !
Lucien tourna les talons.
- A la prochaine, salua-t-il.
- Heu... Dis... essaya de le retenir Chloé.
A défaut de lui faire oublier tout de suite ce qu'il venait de voir, elle cherchait le moyen de le désintéresser rapidement du souterrain. Elle voulait gagner du temps.
- Oui ? demanda Lucien qui s'arrêta.
- Tu ne veux pas goûter à la maison ? proposa Bérangère sur la même longueur d'onde que son amie.
- Non merci, mon grand-père m'attend, rétorqua le garçon d'un ton aimable.
- Tu sais ce n'est qu'une vieille cave sans intérêt, affirma rapidement Chloé.
Lucien perçut la légère inquiétude de la fille blonde. Il dit en s'éloignant :
- Ne t'inquiète pas, les vieilles caves, je m'en moque...
Quelques pas plus loin, il ajouta sans se retourner :
- Je n'explore que les vrais souterrains...

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